Chemsex et Orientation… Solution. Sophie TOURNOUËR

Questions pour des expériences de vie.  Plongée au coeur de la thérapie d’un patient addict au chemsex : premier entretien, séance de mouvements oculaires, observation de l’échelle d’honnêteté… jusqu’à l’objectif final : dissocier la consommation de produits du sexe.

UNE DOUBLE DÉPENDANCE

Le chemsex (1) est une pratique sexuelle actuellement en plein essor dans le milieu des hommes ayant une sexualité avec des hommes (HsH), mêlant une double addiction au sexe et aux nouvelles drogues de synthèse généralement dans des contextes de partouzes (« plans »). Nous voyons apparaître, au vu du plaisir déployé lors de ces contextes, des addictions rapidement ancrées surtout en cas d’injection (« slam ») (2).
Cette pratique devient un enjeu de santé publique même si l’utilisation de la Prophylaxie pré-exposition (PrEP) permettant une prévention des contaminations au VIH est très courante.

Sur une consultation gratuite et spécialisée LGBTQIA+ (3) en addictologie au centre Monceau, je rencontre des hommes à très grande majorité « chemsexeurs ». Au travers du modèle Thérapie orientée solutions (TOS), mon socle de référence, il est pratiquement toujours possible de définir l’objectif des patients rencontrés dès le premier entretien. L’idée étant de tenter une activation des ressources la plus rapide possible et respectueuse du patient et de sa temporalité, afin qu’il puisse parvenir à ce qui lui permettra de dire qu’il n’a plus besoin d’un travail thérapeutique.

 MONSIEUR E., « ADDICT » ET EN SITUATION PRÉCAIRE, DEMANDE DE L’AIDE

Il arrive en entretien avec une demande d’aide autour de sa consommation de nouveaux produits de synthèse en contexte sexuel. Cet homme d’une quarantaine d’années et d’origine africaine a perdu son logement puis son emploi suite à l’envoi, par un de ses « amis » partenaires, à son propriétaire, d’une vidéo particulièrement explicite sur ses pratiques de partouzes entre hommes. Il vit, depuis cela, dans un con – texte extrêmement précaire.
Monsieur E. est désespéré, il ne sait pas comment faire pour se sortir de cette pratique sexuelle à risque avec injection de cathinones (4) et dans laquelle il est pris depuis des années à Paris. En moyenne un « plan » par semaine s’étalant souvent sur plusieurs jours de suite et qui ont un impact important sur sa santé (sérologie, épuisement, sommeil, alimentation, dépression…). Monsieur E. est sous antidépresseurs depuis quelques années, il est suivi par un psychiatre ressource et sécurisant. D’origine musulmane, Monsieur E. est séropositif ; ses parents vivant au pays ne connaissent pas son orientation sexuelle ; on peut donc supposer, en toile de fond de la situation, un conflit fondamental de valeurs et d’éthique.

Extrait du premier entretien : 

– Thérapeute : « Si vous décidez de revenir ici pour entamer un travail, à quoi verrez- vous que vous n’aurez plus besoin d’entretiens ? (ouverture sur la liberté de choix du patient + recherche directe d’objectif). 
– Monsieur E. : 
Je ne serais plus addict, je regrette énormément après… 
– Th. : 
Et si vous n’êtes plus “addict”, vous serez comment ? (recadrage sur la première partie du propos, recherche d’objectif en termes positifs et ouverture large sur ce que le patient voudrait). 
– M.E. : 
Je me sentirai mieux ! 
– Th. : 
Comment le remarquerez-vous ? (recherche amenant possibilité d’une réponse tant autour des valeurs que de données plus précises telles que des émotions, pensées ou actions). 
– M.E. : 
Je pourrai dissocier le sexe de mes consommations. 
– Th. : 
Si je comprends bien, un des signes de votre avancée sera de pouvoir avoir du sexe sans consommer systématiquement ? (reformulation et demande de validation d’un premier marqueur d’action ou d’un potentiel objectif).

La Revue Hypnose & Thérapies Breves

« Je dirai à mes parents que je suis homosexuel »

– M.E. : Oui. 
– Th. : 
Est-ce que cela se produit déjà ? (recherche d’exception au problème). 
– M.E. : 
Non, jamais. 
– Th. : 
Même pas de temps en temps ? (insistance pour obtenir une exception à épaissir, accompagnée par un analogique soutenant). 
– M.E. : 
Seulement certaines fois en me masturbant. 
– Th. : 
Qu’est-ce que cela vous indique ? (tentative d’épaississement de l’exception).
– M.E. : 
Qu’il peut quand même m’arriver de prendre du plaisir sans 3 (pour le produit utilisé : la 3MMC) (5). 
– Th. : 
Et donc, qu’est-ce que cela peut permettre ? (idem). 
– M.E. :
De pouvoir avoir “un” petit échappatoire. 
– Th. : 
Actuellement quand “ce petit échappatoire” arrive, qu’est-ce que cela permet ? (reprise des termes du patient et recherche de ce que cela produit dans sa réalité perceptive). 
– M.E. : 
Je me sens un peu moins mal, je m’en veux un peu moins et je regrette moins. 
– Th. : 
Et si vous êtes “un peu moins mal et que vous vous en voulez un peu moins”, vous vous sentez comment ? (renversement du négatif en positif pour obtenir plus de précision sur la ressource que l’on va pouvoir éventuellement activer). 
– M.E. : 
J’ai plus l‘impression d’être un peu plus en accord avec mes principes. 
– Th. : 
Quand ces principes seront plus présents, qu’est-ce qu’ils vous permettront déjà de faire dans un premier temps ? (projection dans le futur et tentative de récolte comportementale ou psychique). 
– M.E. : 
De ne plus consommer autant et d’être honnête envers moi-même. 
– Th. : 
Cela veut-il dire qu’être “honnête avec vous-même” vous permettra de con – sommer moins ? (reformulation inversée pour valider son équation personnelle ; utilisation du futur et non pas du conditionnel, impliquant que cela va advenir). nous évoquions la question de l’honnêteté ? (demande d’autorisation et ouverture sur cette valeur qui semble lui tenir à coeur). 
– M.E. : 
Oui, bien sûr ! 
– Th. : 
Cette “honnêteté”, cela fait longtemps que vous y tenez ? (sorte d’externalisation affective de la valeur car il semble l’avoir perdue). 
– M.E. : 
Oui, mais elle est souvent loin… 
– Th. : 
Qu’est-ce qu’elle permet quand elle est présente ? (creuse l’exception dans l’absence de la valeur). 
– M.E. : 
D’affronter ma vérité… 
– Th. : 
Quel serait le premier pas montrant que vous recommencez à “affronter votre vérité” ? (recherche de début d’indicateurs). 
– M.E. : 
Je dirai à mes parents que je suis homosexuel. 
– Th. : 
Et qu’est-ce que cela permettrait ? (l’indicateur paraît ambitieux pour un premier pas, donc exploration directe d’une piste plus globale de solution qui amènerait un rééquilibrage d’action, de cognition ou d’émotion ; cette piste sera à explorer sous un angle systémique prudent s’il est désireux d’y aller). 
– M.E. : 
De ne plus cacher la vérité, d’être honnête envers les autres et moi-même. 
– Th. : 
Si je comprends bien, il pourrait être intéressant de nous pencher sur la question de l’honnêteté ? (ouverture sur une piste de travail pour tenter de réaligner les valeurs). 
– M.E. : 
C’est essentiel, elle m’aiderait à ne plus dire oui pour faire plaisir et à
– M.E. : 
Oui, c’est important. 
– Th. 
pouvoir dire à mon entourage mon vrai problème (chemsex). 
– Th. : 
Pensez-vous que lorsque vous serez plus honnête avec vous-même, cela vous permettra de régler ou soulager ce pour quoi vous me consultez ? (flou autour de la définition du problème pour se recentrer sur les besoins). 
– M.E. : 
Je pense que j’aurai moins besoin de fuir, donc probablement…

«Qu’est-ce que vous ferez de différent quand vous serez “honnête avec vous-même” ? »

– Th. : Imaginons que vous décidez que nous entamions un travail thérapeutique ensemble… et puis nous nous projetons dans le futur (hypnose conversationnelle pour ancrer par anticipation) à notre dernier entretien et nous sommes en train de nous dire au revoir, que se passera-t-il dans votre vie, comment serez-vous ? (projection dans le futur avec recherche de validation d’une direction ou d’un objectif thérapeutique). 
– M.E. : 
Honnête avec moi-même ! (analogique du patient enthousiaste). 
– Th. : 
Qu’est-ce que vous ferez de différent quand vous serez “honnête avec vous- même” ? (exploration des différences – central en TOS – dans la piste rebouclée par le patient). 
– M.E. : 
Je déciderai quand je ferai du chemsex et si je le fais, je ne regretterai pas et puis je ne prolongerai pas les plans sur plusieurs jours. 
– Th. : 
Si vous n’y restez pas des jours, vous en partirez après combien de temps ? (recherche d’indicateurs de mesure plus précis). 
– M.E. : 
Pas plus de douze heures. 
– Th. : 
Si par exemple vous partez au bout de douze heures, c’est le signe que vous commencez à être plus “honnête avec vousmême” ? (recherche de validation de lien entre deux critères ne rentrant pas dans ma logique subjective > toujours accepter ce que le patient amène). 
– M.E. : 
Oui. Et je n’aurai pas de regrets après… au moins c’est sûr ! 
– Th. : 
Vous évoquiez tout à l’heure le fait de pouvoir dissocier les consommations du sexe, cela fait-il partie de ce que nous devons aussi viser ? (retour sur la demande du patient). 
– M.E. : 
Oui, je veux pouvoir choisir d’avoir du sexe normalement. 
– Th. : 
Quand vous dites du “sexe normalement”, c’est avec un partenaire sans consommation de 3 ou autres ? (3 > reprise du langage du patient ; “autres” > balayage de problématiques addictives associées). 
– M.E. : 
C’est ça, sans faire un plan. 
– Th. : 
Est-ce que cela est arrivé ces derniers temps hors du contexte de masturbation que vous évoquiez tout à l’heure ? (recherche plus fine d’autres exceptions potentialisables et exploration temporelle du problème). 
– M.E. : 
Non, pas depuis des années… J’ai besoin de produit pour avoir du sexe avec quelqu’un. 
– Th. : 
Vous évoquiez comme indicateur d’avancée le fait de pouvoir dissocier le sexe des consommations, est-ce que cela participera au fait d’affronter votre vérité comme vous le disiez ? (recouper et boucler les éléments récoltés pour être sûr de la direction à prendre). 
– M.E. : 
Je pourrai accepter qui je suis et je serai à nouveau en accord avec mes principes. 
– Th. : 
Lorsque vous aurez le sentiment d’être parvenu à être honnête avec vousmême, cela sera-t-il le signe que la thérapie est finie ? (recherche de validation de la direction thérapeutique s’ébauchant). 
– M.E. : 
Bien sûr ! Je serai fier de moi. »

PRÉPARER LA SUITE DU TRAVAIL

Repérage au cours de ce premier entretien d’un syndrome post-traumatique avec pour porte d’entrée la vidéo à caractère sexuel envoyée à son propriétaire, amenant une chute économico-socio-professionnelle vertigineuse. Nous avons informé Monsieur E. de l’existence de la technique de mouvements oculaires (EMDRIMO), de l’intérêt possible le concernant et de son application. Cet homme est structuré de manière plutôt claire avec un propos empreint de détermination face à la situation qu’il ne contrôle plus. Cela donnant l’information d’une énergie qui pourra être mobilisable.

Ne donnant généralement pas de tâche en fin de premier entretien et prenant acte de l’urgence de sa demande, je l’invite, s’il le peut, à tenter de réguler le sommeil et l’alimentation. De plus, je lui propose de pouvoir regarder à quel moment il est plus en accord avec sa vérité. Sachant que s’il ne revient pas, ces tâches ne pourront faire en aucun cas effraction…

L’affiliation avec Monsieur E. sera rapidement de bonne qualité, facilitée sûrement par le fait d’avoir grandi en Afrique et travaillé en interculturel. Une grande confiance qu’il me souligne à de nombreuses reprises nous permettra d’aller avec son consentement de manière plus incisive dans « les abcès » de son histoire afin de les nettoyer en profondeur et l’aider à mieux se restructurer d’un point de vue identitaire ; ce qui passera par une certaine con – frontation à ses peurs et ses vérités.

Monsieur E. revient deux semaines après n’ayant consommé qu’une fois et en étant parvenu à rester sur place moins longtemps que d’habitude, de plus il a réussi à éviter les applications de rencontre. En explorant avec la technique d’Exception. Différence Relation (EDR modèle TOS) nous obtenons un épaississement de ses compétences (neuroplasticité cérébrale permettant l’utilisation de nouveaux chemins neuronaux). De plus, la connexion à une partie préservée permettra de solidifier la structure avant d’aborder les failles de Monsieur E. en EMDR-IMO. Il dit avoir réussi quelques fois à affronter sa vérité et se sentir plus fier de lui. Cette séance nous amènera à affiner le travail et à pouvoir préparer, à la demande de Monsieur E., une séance de mouvements oculaires afin de nettoyer ce qui est

… il se repose un peu dans une salle à côté tant la séance l’a secoué, il titubait en sortant

traumatique… ll est informé des conséquences émotionnelles et physiques possibles (pendant une semaine environ : retour en force de l’impact traumatique, émotionnel très fragile, possibilité de nausées, vomissements et de diarrhées…).

SÉANCE DE MOUVEMENTS OCULAIRES

Au troisième entretien, nous effectuons une séance de mouvements oculaires. Nous avions pour entrée le repérage traumatique de la vidéo en affinant sur le moment où il a compris que ses activités étaient au grand jour avec l’impact émotionnel également relié aux conséquences. Monsieur E. va ressentir des picotements dans le corps (mains, pieds essentiellement puis visage). Il aura une remontée de plusieurs souvenirs d’enfance, de moments où il falsifiait la vérité, où il mentait à son père pour que celui-ci soit fier de lui.

Il peut de plus évoquer des moments où il a donné à ses partenaires quelques indices sur sa séropositivité pour pouvoir dire qu’il avait essayé de les prévenir au cas où il aurait dû s’en justifier après (même si aujourd’hui pratiquement tous sont sous PrEP dans les plans). La peur du jugement ressort et le fait qu’il pense aussi protéger les gens en ne disant pas la vérité. Vieille illusion, comme il la nomme : « J’ai l’impression que j’ai menti toute ma vie, je veux désormais dire les choses vraies. » Beaucoup de honte va transpirer de cette séance, les émotions sortent de manière chaotique par moments.

A la fin, il dit même pardonner à cet homme qui a envoyé la vidéo. Monsieur E. se repose un peu dans une salle à côté tant la séance l’a secoué, il titubait en sortant. Il repart prévenu des possibles conséquences et a pour tâche de commencer à noter ce qui va mieux une semaine après, et ce jusqu’à notre prochain rendez-vous.

Nous nous revoyons environ un mois après pour une évaluation précise de la séance de mouvements oculaires. Nous explorons ce qui va mieux, comment, pourquoi, à quoi le remarque-t-il, qu’arrive- t-il à faire qu’il ne pouvait faire avant… (outils TOS et EDR).

Monsieur E. évoque une diarrhée tellement importante pendant deux nuits entières qu’il est allé consulter un médecin sans faire tout de suite le lien avec notre travail. Il dit s’être vidé de tous ses mensonges. Concrètement, il n’a pas reconsommé, nous notons comme exception délibérée le fait de s’empêcher de sortir. Il a, comme nous en avions évoqué la possibilité, désinstallé les applications, il dit qu’il lui faut désormais redonner sa noblesse au sexe et sortir de la performance, il a eu des possibilités nouvelles de dire non à certaines choses qui ne lui convenaient pas et il envisage de pouvoir reprendre le sport. Nous évoquons la question de la rechute pour voir ce que nous pouvons consolider. Nous pouvons aussi repérer qu’un ami de Monsieur E. est extrêmement ressource, il pense même à cet ami pour tenter une expérience sexuelle sans produit. Cet ami sera en effet un appui considérable dans la suite de l’évolution de Monsieur E., quelqu’un qu’il pourra de plus contacter s’il se sent prêt à glisser.

Sur la suite de la thérapie, nous allons continuer à mesurer « l’honnêteté envers soi-même », notamment par le biais d’une échelle de progrès (outils TOS) pour saisir plus finement les avancées et anticiper la fin de la thérapie. Il pourra dire à de nombreuses reprises que plus il se retrouve, moins il se ment et plus il s’aime. Nous avons exploré, travaillé et abouti à la question de la révélation à ses parents. Ce ne fut pas un premier pas mais un pas certain. De plus, la relation à son père s’est non seulement améliorée mais est devenue plus vraie. Il était heureux de me montrer le nom de son père s’afficher quand son téléphone sonnait en entretien.

UN PAS EN ARRIÈRE POUR MIEUX AVANCER

Il y a eu une rechute extrême où Monsieur E. s’est perdu six jours, il est arrivé au centre dans un état tel que j’avais presque du mal à le reconnaître physiquement. En pleine crise d’angoisse et de larmes… Il est ressorti de cet entretien à peu près apaisé, reconnecté à ses ressources et déterminé à avancer sur son objectif. Nous avons pu lister au sein de tentatives de solutions existantes des actions qui lui semblaient envisageables et pertinentes à mettre en place en cas d’envie de consommation (regarder certaines émissions en replay, sortir courir, envisager l’aménagement de son nouvel espace, décoration et rangement, écrire, téléphoner à son ami ressource…).

Monsieur E. a vu après son sommeil s’améliorer, il a repris le sport, a pu avoir des rapports sexuels avec ce fameux ami sans con – sommation associée (l’objectif de dissociation sexe et produit a été ainsi atteint) ; ce que nous avons pu travailler en E-D-R en regardant ce que cela changeait, qu’est-ce que cela l’amenait à se dire de lui-même, avec quel espoir cela le mettait en contact, qui pouvait remarquer qu’il allait mieux, à quoi ces personnes pouvaient noter son évolution, ce que cela permettait, en quoi c’était différent, comment, quoi d’autre et quoi encore ?… Nous avons pu à nouveau épaissir les nouvelles avancées en engageant ce phénomène de neuroplasticité cérébrale permettant d’ancrer plus profondément les bénéfices. Le premier mois sans consommer avait permis de renforcer Monsieur E. dans sa croyance du fait que c’était possible.

Des tâches à réaliser ont pu accompagner ce travail entre les séances avec notamment l’observation de son échelle d’honnêteté envers lui-même et certaines tâches directes. Par exemple, il devait effectuer chaque jour une action, même minime, de connexion à sa vérité avec observation et prise de notes de ce que cela permettait (pensées, émotions, actions) dans sa nouvelle économie de fonctionnement…

Au cours de cette thérapie de dix entretiens étalés sur dix mois, Monsieur E. se sentant mieux a voulu et a pu, en accord avec son psychiatre, diminuer puis arrêter les antidépresseurs. Il s’est de plus engagé dans des démarches de recherche de travail et a pu débuter un remplacement pour quelques mois, il y était efficace et obtenait beaucoup de retours très positifs et valorisants. Nous nous accordons sur le fait que, même si l’objectif est atteint, des rechutes peuvent survenir et qu’il lui est possible de venir à nouveau consulter.

L’INDÉPENDANCE PAR L’ALLIANCE

À la fin de la thérapie, Monsieur E. semblait plus grand, plus fort et se tenait plus droit, ses yeux brillaient et il riait de plus en plus… Il a pu me dire qu’en parlant de moi à son ami ressource, celui-ci lui avait demandé : « mais ta psy, elle est africaine ? », ce que j’ai interprété comme un signe de bonne connexion à mes racines. C’est dans une dynamique chaleureuse que nous nous sommes quittés, avec l’expression d’une immense reconnaissance de sa part… Bonne route Monsieur E. !

Notes:
1. Chemsex ou « sexe sous drogues » (contraction des mots anglais « chemical » pour « chimique », et « sexe »), c’est l’utilisation de produits psychoactifs pendant et pour les relations sexuelles. Les produits peuvent être sniffés, avalés, ou bien insérés dans l’anus.

2. Slam : consommation de produits psychostimulants, principalement des cathinones en intraveineuse et en contexte sexuel.

3. LGBTQIA+ : Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersexuel, Asexuel. Le signe plus (+) signifie un certain nombre d’autres identités.

4. Les cathinones de synthèse ont un potentiel addictif avec tolérance, sevrage et « craving » sévère.

5. 3MMC : 3-méthylmethcathinone, isomère de position de la méphédrone, est une substance psychostimulante et hallucinogène de la famille des cathinones.

Sophie TOURNOUËR est Psychologue clinicienne, thérapeute familiale, hypnose, EMDR-IMO. Formatrice sur le modèle Thérapie brève orientée solutions au CHTIP Collège d’Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris, à l’Institut Hypnotim à Marseille, et à l’Institut In-Dolore à ParisSupervision de thérapeutesExerce à Paris en libéral, et au centre Monceau, consultation spécialisée Chemsex, AEMO intensive.

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 65

N°65 : Mai, Juin, Juillet 2022

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Au sommaire du n°65  Mai, Juin, Juillet 2022 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves :
Julien Betbèze, rédacteur en chef, éditorial : « Créer des liens »

Jean-Marc Benhaiem nous invite à ne pas nous focaliser sur le symptôme mis en avant dans la demande thérapeutique : il s’agit plutôt de chercher à mobiliser l’énergie bloquée dans d’autres symptômes apparemment secondaires, et ainsi de désorganiser les rigidités pathologiques et amener le changement. Une clinique pleine de sagesse !

Sophie Tournouër utilise le questionnement centré solution pour défaire les addictions sexuelles conjuguées à la prise de produits psychoactifs. Le déroulé du verbatim nous permet de saisir la logique interne aidant les individus à se libérer de cette pratique asservissante du « chemsex ».

Mady Faucoup Gatineau nous prend par la main pour rencontrer Théo, un rebelle de 5 ans qui fait sa loi et sème la zizanie dans la famille. Nous découvrons l’utilité de la TLMR (thérapie du lien et des mondes relationnels) pour construire un cadre familial sécure dans lequel chacun va pouvoir retrouver sa place.

Dossier thématique : Histoires et métaphores
Alicia Mangeot nous raconte des métaphores « sur mesure », favorisant ainsi des changements de comportement en rapport avec les intentions relationnelles des patients. Elle nous donne plusieurs exemples d’utilisation stratégique de métaphores (bibliothèque, cercles relationnels, mille-pattes) favorisant la coopération dans la séance, et la réalisation des tâches indirectement proposées.

Virginie Serrière exprime une grande finesse dans son appropriation du questionnement narratif : à travers l’animation d’ateliers d’écriture, elle témoigne de la possibilité pour chacun de redevenir auteur de sa vie.

Marie-Clotilde Wurz-de Baets nous montre sa créativité dans l’utilisation du langage métaphorique pour induire une transe de réassociation chez une jeune femme confuse après une rupture sentimentale.

Espace douleur douceur
Gérard Ostermann, éditorial : « Autour de la douleur »

Stéphane Graf nous montre l’importance de ne pas se focaliser sur le symptôme mis en avant dans la plainte, mais d’intégrer la douleur dans l’unité corporelle.

Stéphanie Delacour, dans un cas de dyspareunie, met aussi en évidence la pertinence de ne pas centrer la thérapie sur le symptôme, et de percevoir le lien entre la douleur et la rupture d’homéostasie. Grâce à sa prise en charge et à la remise en place de compétences émotionnelles et relationnelles, la patiente va retrouver une vie plus sécure avec une nouvelle relation à son corps.Dans cette période de sortie de la Covid, où les salles obscures se remplissent à nouveau, Sophie-Isabelle Martin et David Simon revisitent pour nous la technique de la salle de cinéma pour travailler avec des patients douloureux ayant très peu de protection. Les interactions sont très bien décrites, avec les multi-dissociations permettant de travailler en sécurité. Un exemple clinique illustre cette pratique avec pédagogie pour que chacun puisse s’approprier cette technique.

Sophie Cohen expose un cas de bruxisme lié à des croyances limitantes autour des combats de la vie. Après une régression en âge, la patiente pourra retrouver son regard émerveillé de petite fille devant la photo d’une forêt et retrouver ainsi calme intérieur et détente.

Christine Allary nous emmène en mission humanitaire et nous fait partager la conduite d’une séance d’hypnose faite en traduction simultanée avec le chirurgien. Elle décrit avec précision les effets de cette technique novatrice et fédératrice pour les participants.

Serge Sirvain décrit une situation clinique émouvante dans laquelle il est amené à mettre en place une sédation terminale chez une patiente de 93 ans atteinte d’une tumeur digestive invasive. Il explique comment la position de non-savoir et l’imaginaire partagé autour d’une métaphore culinaire vont accompagner un endormissement terminal apaisé et en relation.

Et nos rubriques :
Nicolas D’Inca : culture monde « Une perceptude venue du désert ».
Adrian Chaboche : Les champs du possible « Un lâcher de ballon bien étrange ».
Sophie Cohen, nouvelle rubrique : bonjour et après « Clémentine et la chaleur qui fait fondre la plaque ».
Stefano Colombo et Muhuc : Quiproquo… « Métaphores »